diciembre 01, 2012

«Carlos Salinas : le retour feutré du Machiavel mexicain»


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Carlos Salinas : le retour feutré du Machiavel mexicain

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Longtemps considéré comme indésirable au MexiqueCarlos Salinas de Gortari, ancien chef d'Etat (1988-1994) et ex-chef de file du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI, centre), est discrètement revenu sur le devant de la scène publique. L'entrée en fonctions, le 1er décembre, du président Enrique Peña Nieto (PRI), marque le retour en grâce de celui qui incarne, pour beaucoup de Mexicains, les années les plus sombres du régime autoritaire, corrompu et clientéliste du PRI, hégémonique durant soixante et onze ans, avant sa défaite en 2000.

"Seule une chirurgie plastique pourra m'enlever mon sourire", a fanfaronné M. Salinas lorsqu'il a fait, le 7 septembre, à 64 ans, sa première réapparition à un meeting depuis 1994, à côté des dirigeants du PRI, dans l'Etat de Quintana Roo (Sud). "Salinas est le cerveau du retour au pouvoir de son parti, sur fond de fraude électorale", affirme le journaliste et écrivain José Martinez. Des soupçons d'achat de votes et de soutien de médias à la candidature de M. Peña Nieto planent sur le scrutin de juillet.
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"Légende noire"
La fraude avait entaché plus lourdement l'élection de M. Salinas. Le 6 juillet 1988, les résultats préliminaires donnent gagnant le candidat de la gauche, Cuauhtemoc Cardenas. Le système de décompte des voix tombe en panne. Lorsque la comptabilisation des votes reprend, M. Salinas est proclamé vainqueur. "Cette fraude a forgé la légende noire de ce technocrate qui vient du sérail", assène José Fernandez, politologue à l'Institut technologique de Monterrey.
Fils du ministre de l'industrie du président Adolfo Lopez Mateos (1958-1964), Carlos Salinas a décroché deux maîtrises et un doctorat à Harvard. En 1982, il est nommé ministre du budget du gouvernement de Miguel de la Madrid (1982-1988), son prédécesseur. Au pouvoir, cet adepte du libéralisme rompt avec la tradition du "nationalisme révolutionnaire" du PRI en signant, le 17 décembre 1992, l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena) entre le Mexique, les Etats-Unis et le Canada. Malgré l'ouverture du pays et une série de réformes, son bilan reste critiqué : les privatisations des banques ou des télécommunications ont accentué les inégalités et la pauvreté. Nombre d'entrepreneurs et syndicalistes doivent leur fortune à ce spécialiste des petits arrangements entre amis. En tête, le magnat des télécoms, Carlos Slim, devenu l'homme le plus riche du monde. "En 1990, Salinas lui a vendu la compagnie publique Telefonos de Mexico (Telmex), pour une bouchée de pain",rappelle José Martinez.
La fin de son mandat est agitée. En janvier 1994, l'armée zapatiste se soulève au Chiapas (Sud) derrière le sous-commandant Marcos, contre le libéralisme et pour la reconnaissance des droits des Indiens. En mars, le candidat du PRI à la présidentielle, Luis Donaldo Colosio, est assassiné dans des conditions obscures. Pour le remplacer, M. Salinas désigne son ancien ministre de l'éducation, Ernesto Zedillo, qui remporte le scrutin. A peine entré en fonctions, celui-ci dévalue le peso, créant une grave crise financière. L'ancien et le nouveau président se renvoient la faute. Leur rupture est consommée avec l'arrestation, deux mois plus tard, du frère aîné de M. Salinas, Raul, accusé de meurtre et de blanchiment d'argent. Le scandale menace d'éclabousser l'ancien chef d'Etat, qui quitte le pays.
Père de cinq enfants, divorcé et remarié, il passe sa traversée du désert en Irlande. En 2004, son frère cadet, Enrique, accusé lui aussi de blanchiment d'argent, est tué à Mexico dans une affaire de racket. En 2005, son autre frère, Raul, est libéré. Conseiller du groupe Dow Jones, Carlos Salinas revient ensuite vivre au Mexique, donnant parfois des cours ou des conférences. "Il est resté en coulisses, jouant les gourous de M. Peña Nieto, pour que le PRI garde le pouvoirlongtemps", assure José Martinez.
Des affirmations niées par le nouveau président. "Nos relations sont cordiales", répète M. Peña Nieto, qui dit incarner "un nouveau PRI, respectueux du jeu démocratique". Pour M. Fernandez, l'influence de M. Salinas est exagérée : "Il n'a plus autant de poids au sein de son parti. Mais il est devenu intouchable."
3 avril 1948
Naissance à Mexico.
6 juillet 1988
Victoire à la présidentielle sur fond de fraude.
1er janvier 1994
Entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena) et début du soulèvement du Chiapas.
28 février 1995
Raul, le frère de Carlos Salinas, est arrêté. Dix jours plus tard, il quitte le Mexique.
1er décembre 2012
Entrée en fonctions du président Peña Nieto.   
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